Tableau restauré à l'initiative de Mme Yolande Racine, épouse de l'ancien maire de Neyron. Le panneau a été parfois daté du 18e siècle. Il est à l'évidence très nettement antérieure et toutes ses données visuelles renvoient à la deuxième phase du 16e siècle et au maniérisme tardif. Certaines idées sont très anciennes, comme par exemple le vieux thème du Christ « Lumière du Monde » et qui par analogie devient aussi la source plastique de l'éclairage du tableau. Le motif, juste au-dessus de l'âne et du buf du berger ébloui et qui met ses mains en écran, relève aussi d'une antique tradition iconographique dont le moment triomphal reste la Notte, l'Adoration des bergers peintes par Corrège vers 1529-1530 et aujourd'hui conservée à Dresde. Le procédé de composition, les proportions, la gestuelle, le coloris sont tout à fait dans l'esprit du 16ème siècle finissant et des débuts du 17ème siècle. La scène est calée à droite et à gauche par ces deux figures repoussoirs que sont Saint Joseph et le berger qui tient l'agneau. Les personnages sont volontiers allongés et fuselés avec des têtes petites, surtout pour les anges. Les draperies très près des corps tombent en plis simplifiés, très graphiques ou alors dans des arrangements un peu gratuits comme la tunique de l'ange central, enroulée en spirale. Le groupe des trois bergers de droite est particulièrement significatif de cette culture maniériste, avec l'attitude précieuse des mains, les grands chapeaux de feutre, l'inclinaison presque théâtrale de la figure qui se décoiffe et qui tient l'agneau avec son avant-bras gauche. Le coloris, acidulé dans l'ensemble, participe de la même culture. Il est fait d'accords parfois rares et se fonde sur des verts tendres ou des verts bouteilles, des mauves clairs, des jaunes citron ou des jaunes d'or, différentes qualités de roses et rouges. Le tout évoque certains foyers du 16ème siècle européen comme Bologne, peut-être Fontainebleau ou Haarlem et, à coup sûr, Utrecht. Par le biais de l'estampe, une fois de plus sans doute, la Nativité de Neyron, dans son esprit général et dans plusieurs de ses détails évoque effectivement le milieu utrechtois longtemps dominé par la personnalité d'Abraham Bloemaert (Gorinchem, 1564 Utrecht, 1651). Auteur de plusieurs Nativités (la plus spectaculaire est au Louvre), Bloemaert, qui a formé de nombreux artistes, a laissé plusieurs recueils d'eaux-fortes et son abondante production picturale a largement été diffusée par la gravure de traduction. On ne peut pas malgré tout rattacher le panneau de Neyron à un prototype précis. Sans doute s'agit-il de l'uvre d'un artiste français ou nordique, peut-être d'un peintre de passage, muni d'un portefeuille d'estampe et disposant d'une culture visuelle étendue. Il pourrait avoir été actif dans les années 1550-1620, fourchette chronologique encore assez vaste et assurément trop vague mais dans laquelle on peut placer, sans trop de risques, le présent tableau.